Trois tableaux, quatre individus et un point commun : la solitude exprimée au travers de différents formes artistiques. Les maux s'expriment alors par des mots dont la voix devient un exutoire et le mouvement des corps meurtris une danse. C'est ainsi que les Traces noires sur mes joues prennent naissance dans ce drame contemporain plein d'intensité : un titre énigmatique que m'a donné envie de découvrir la pièce : ai-je été conquise ?
Théâtre Traces noires sur mes joues
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Un drame contemporain autour de la solitude
Je me suis rendue avec Princesse acidulée à la découverte d'un drame contemporain intitulée Traces noires sur mes joues, une pièce écrite et mise en scène par Léa Lelièvre. Ce jeune talent - comme aime si bien valoriser La croisée des chemins - a été attirée par les arts du spectacle dès sa petite enfance : la danse classique qu'elle complétera avec l'étude de différents styles de danses, puis le théâtre dès l'âge de 12 ans.
Léa Lelièvre (crédit photo Clara Rouget) |
Elle s'oriente après le BAC en 2017 vers des études théâtrales où elle écrit sa première pièce Traces noires sur mes joues qui est donc la première création dramaturgique de la compagnie Triplik. Pour interpréter ce drame humain, Léa Lelièvre a choisi 4 comédiens rencontrés principalement lors de ses études.
Trois tableaux, quatre traumatismes
Cette pièce intime et moderne se présente sous forme de triptyque - trois tableaux - sur le thème de l'individu et de la solitude. C'est ainsi qu'on fait la connaissance de 4 personnes aux vies différentes où les émotions fortes se côtoient entre mélancolie, colère et folie. Ces morceaux de vie qu'on découvre au travers de trois tableaux mêlent différentes formes d’expressions permettant d'offrir encore plus de puissance au texte, le tout avec une mise en scène innovante autour de trois histoires différentes, mais dont les personnages ont comme point commun une blessure qui les ronge de l'intérieur.
Ces quatre êtres unis par la solitude se croisent et se superposent dans un triptyque étouffant de désamour : et si l'espoir d'une rémission devenait possible ?
Clément Damien, Meyling Jusseaume, Salomé Yhuel, Pasiphaé Le Bras et Léa Lelièvre |
Avis sur Traces noires sur mes joues
Nous nous installons au premier et prenons le temps d'observer la scène avant le début de la représentation. À gauche, un matelas sur lequel un couple repose. La pièce semble être dans le chaos avec des livres et de la nourriture posés à même le sol. Au centre une jeune femme près d'une lampe et à droite, une femme face à un miroir dans sa loge.
Les plaies peuvent-elles se guérir ?
Un répondeur s'enclenche, des poèmes volent dans les airs, une petite fille pleure en silence dans le corps d'une femme, un premier amour dont il ne reste que des mots, une vie qu'on préfère écourter et cette absence qui brise ceux qui restent. Une blessure qui refuse de se refermer, une femme qui préférerait ne pas atteindre les 9 ans... Tous ces traumatismes se mêlent mais peuvent-ils un jour se guérir ?
Crédit photo Muriel Corrette et Alexandre Baradel |
Une solitude maladive
Avec Traces noires sur les jours, nous sommes les témoins de tranches de vie dont chaque individu a vécu un traumatisme les plongeants dans la solitude. Comme une blessure qu'on n'aurait pas pris soin de nettoyer, celle-ci s'infecte : un mal qui se répand et dont on craint une issue fatale. Ce sont donc quatre individus au bord de la falaise, qui survivent tant bien que mal à cet enfermement maladif.
On découvre assez rapidement la cause de cette déchirure, l'important ici n'étant pas la cause, mais les répercutions qu'elle entraîne dans la vie des personnages : ces 4 personnes parviendront-elles toutes à s'extirper de ce traumatisme sans qu'il ne laisse une cicatrice à l'âme ?
Crédit photo Muriel Corrette et Alexandre Baradel |
Une mise en scène innovante
Ces portraits intimes sont touchants car les histoires sont très bien retranscrites sur scène aussi bien dans le jeu des comédiens que par la mise en scène qui se veut innovante. En effet, il n'est pas commun au théâtre de voir une pièce divisée, mais les drames qui unis ces personnages permettent de passer avec fluidité d'un personnage à un autre sans que cela ne paraisse étrange.
Pour passer d'un espace à l'autre, la scène se joue de jeu de lumière permettant d’attirer l'attention sur les personnages, mais la mise en scène s'accompagne également de voix off symbolisant les pensées des personnages, et de bandes musicales qui appuient encore un peu plus l'intensité de certaines scènes.
Si chaque personnage a un espace qui lui est propre, ils se croisent aussi dans un espace commun : cet espace devient alors la scène de la chanteuse, un lieu où se mêleront tous les sentiments pour la vie au téléphone, ainsi qu'un espace de danse.
Crédit photo Muriel Corrette et Alexandre Baradel |
Une couple atypique
Dans ces histoires de vie, il y a le couple, un couple d'amant atypique qui n'en est peut-être pas vraiment un, mais ensemble ils se sentent plus forts et moins vulnérables. Lui, doté d'une grande sensibilité, ne cesse de penser à son premier amour et elle, plus torturée, survit au suicide de sa petite amie. Si la nudité est exposée - sans vulgarité - c'est pour mieux montrer la pudeur du personnage : une méthode étonnante mais qui fonctionne pourtant très bien.
Crédit photo Muriel Corrette et Alexandre Baradel |
La rupture amoureuse qui rend folle
Et puis, il y a la femme qui cherche désespérément à reprendre contact avec son ex petit ami en lui laissant d’innombrables messages sur son répondeur. D'abord calme devant l'impossibilité de lui parler, sa colère incontrôlable la rend folle, folle de cet amour perdu. Elle ne peut vivre sans lui et semble prête à tout pour le reconquérir. Salomé Yhuel offre à son personnage des facettes très intéressantes tout en lui apportant des touches d'humour, mais elle sait tout autant l'amener aux portes de la folie, offrant ainsi une performance qu'on ne pourra qu'apprécier.
La femme dans le corps d'un enfant abusé
Et puis il y a la chanteuse de cabaret, qui a de plus en plus de mal à vivre dans ce corps de femme alors que son corps d'enfant violé saigne abondamment. Cette déchirure sexuelle la détruit au point où on se demande s'il peut y avoir véritablement une possibilité de se reconstruire pour cette chanteuse.
Le jeu de la comédienne Pasiphaé Le Bras est d'un tel réalisme qu'elle m'a tout simplement bouleversé : dans la chanteuse, on perçoit la petite fille qui souffre, cette enfant brisée et enfermée dans ce corps de femme. Ce sont des moments à la fois forts et perturbants car le sujet est évidemment dramatique.
Informations :
La croisée des chemins 43 rue Mathurin Régnier 75015 Paris
Traces noires sur mes joues
Déconseillé au moins de 14 ans
Traces noires sur mes joues
Déconseillé au moins de 14 ans
Du 9 au 23 juin 2019
Prix: de 13 à 16 €
Le jeudi et le dimanche 19H30
Auteur : Léa Lelièvre
Comédiens (en alternance) : Salomé Yhuel, Zoé Destefanis, Clara Rouget, Pasiphaé Le Bras, Clément Damien et Meyling Jusseaume
Mise en scène : Léa Lelièvre
Comédiens (en alternance) : Salomé Yhuel, Zoé Destefanis, Clara Rouget, Pasiphaé Le Bras, Clément Damien et Meyling Jusseaume
Mise en scène : Léa Lelièvre
Durée : 1h