Après ma découverte de l'adaptation théâtrale du roman fantastique Le portrait de Dorian Gray, je poursuis dans la littérature anglaise avec Hot House. Cette fois, c'est au sein d'une maison de repos que se déroule cette histoire totalement déjantée, où on se demande d'ailleurs qui est le plus fou entre le personnel et les patients : direction le Théo Théâtre pour une folle soirée !
Hot House
Un moment théâtral d'une grande folie !
Programmé au Théo théâtre jusqu'au 4 avril 2019, Hot House sera joué au festival d'Avignon 2019 au théâtre l'Etincelle du 5 au 28 juillet 2019. J'ai pu assister à la dernière représentation parisienne dans la salle Plomberie qui permet d'accueillir 73 curieux. C'est un lieu que je connais puisque c'est dans ce théâtre que j'ai vu Dormez, je le veux, un Feydeau terriblement modernisé.
Hot House
Une pièce de théâtre de Harold Pinter
Hot house (ou The Hothouse) est une oeuvre de l'écrivain britannique Harold Pinter qui a obtenu le prix Nobel de littérature anglaise en 2005. Publiée en 1958, cette pièce de théâtre en deux actes situe l'histoire dans une institution - qui n'est pas clairement définie dans l'ouvrage, peut-être une maison de repos, une prison... - où les patients sont identifiés uniquement par des numéros. La situation de l'établissement semble assez précaire et cela ne va pas s'arranger lorsqu'un décès suspect et une naissance ont lieu le jour de Noël...
Une réflexion sur le pouvoir
Cette pièce théâtrale issue de la littérature anglaise du XXeme siècle est très intéressante car son auteur Harold Pinter remet en cause l'autorité des institutions en dénonçant les règles trop contraignantes de ces établissements clos hyper hiérarchisés : c'est ainsi que l'autorité prime au détriment de l'humain. Pour mettre en scène cet univers où le pouvoir est maître, l'auteur mêle à la fois la comédie burlesque et l'absurde morbide : l'humour anglais dans toute sa splendeur !
↪ Cette pièce de théâtre Anglo-saxonnes Hot house a été traduit en français et édité chez Gallimard en 1987 sous le titre de Trahisons. Ce recueil regroupe plusieurs œuvres de théâtre de l'auteur dont Hot House.
Harold Pinter (crédit photo TLC) |
La Tanière : une jeune troupe passionnée
Cette adaptation théâtrale de Hot House est le fruit d'un travail collectif mené par la troupe La Tanière lors de leur projet de fin de cycle au Cours Florent. L'enthousiasme de leurs maîtres les a motivé à interpréter Hot House dans les théâtres parisiens : le théâtre Clavel, suivi du Théo théâtre et en juillet au Festival d'Avignon 2019 au théâtre l'Etincelle du 4 au 23 juillet 2019.
La mise en scène de Hot House est réalisée par Théo Genin, un jeune passionné de 21 ans qui a déjà une belle expérience. En effet, il a pu développer son expérience d’acteur au Cours Florent, réaliser plusieurs mises en scène, un court métrage tout en s'adonnant également à l'écriture.
Quelle grande satisfaction cela doit être pour cette jeune troupe car on imagine toute la motivation, l’investissement et le temps passé qu'il faut produire pour parvenir à se faire une place dans le milieu artistique. C'est donc avec grand plaisir que je suis allée découvrir le fruit de leur travail au Théo Théâtre. L'emplacement étant libre, je m'installe au premier rang en attendant patiemment le début de la représentation.
Impressions sur Hot House
Impressions sur Hot House
En pénétrant dans la Salle Plomberie, nous sommes déjà ailleurs, dans un autre espace-temps. Alors que les cantiques de Noël raisonnent dans la salle, j'observe la scène : en son centre, un bureau où un téléphone P.T.T de couleur chocolat avec un combiné se noie autour de différents dossiers. Sur la gauche, un fauteuil surélevé muni de deux bras et d'un casque en métal nous fait comprendre que nous sommes dans une institution médicale spécialisée dans les maladies mentales. Soudain, des bruits se font entendre, le Docteur C.Gibbs fait son entrée, suivi de près par le Docteur P.Lush. Ce dernier pousse avec ses mains ensanglantées un petit chariot médical où de nombreuses compresses gorgées de sang ont été déposées négligemment sur le plateau. On apprend alors en ce jour de Noël, qu'un patient a trouvé la mort et qu'un autre vient de donner naissance... Mais qui peut être le responsable de ses méfaits ?
Cela va être le début d'une folle soirée où l'envie de pouvoir pousse à la manipulation et l'intrigue. Mais c'est connu : dans la vie, on n'a pas toujours ce qu'on veut...
Hot House (crédit photo Nathan Laferrere) |
Une ambiance diaboliquement dynamique !
Hot House nous plonge dès les premières minutes dans une ambiance diaboliquement dynamique, qui se maintient jusqu'à la toute dernière minute du spectacle qui est tout simplement explosive !
L'action se situe en huit-clos dans le bureau du Directeur le Professeur A.Roote où les différents membres du personnel vont régulièrement se rencontrer. Si les patients - que l'on nomme par des matricules (notamment le 6457 qui a trouvé la mort et le 6459 qui a donné naissance) - sont le centre des conversations, nous ne faisons pas leur connaissance. Par contre, nous allons rencontrer le personnel...
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les cadres de cette maison de repos ont tous une personnalité très spéciale ! Au point qu'on se demande qui est le plus névrosé entre les patients et le personnel : entre un directeur porté sur l'alcool et fortement marqué par son passé militaire, une docteure nymphomane et manipulatrice en manque d'enfant, un cadre supérieur soumis sous tension prêt à exploser et qui cache bien son jeu, ou encore un subalterne à la personnalité survoltée au point où on se demande s'il n'est pas sous amphétamine - bien qu'il apparaisse tout de même comme le plus sain de l'équipe ! Cela fait une belle brochette d'individus qui offre aux spectateurs des moments surprenants.
Hot House (crédit photo Nathan Laferrere)
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Une atmosphère de thriller
On oscille ainsi entre le comique satirique et la tragédie - tel que Harold Pinter a souhaité l'exposer dans son oeuvre - avec une très belle mise en scène du pouvoir, de la domination et où les pulsions ne sont plus canalisées. Le personnel de cette maison de repos apparaît comme un individu prêt à tout, pourvu qu'il puisse obtenir ce qu'il veut. C'est ainsi que les personnalités se dévoilent et se révèlent petit à petit jusqu'au final qui nous apparaît comme une évidence après coup.
La mise en scène permet d'accentuer cette atmosphère de thriller grâce à des jeux de lumières rouges symbolisant ainsi les actions cachées et d'effets sonores, le tout superbement joué par cinq comédiens dont j'ai apprécié chacune des prestations. Nous retrouvons ainsi dans cette pièce le personnel de l’établissement : le Directeur général Professeur A.Roote, le cadre supérieur le Docteur D.Cutts, le cadre supérieur représentant ministériel Docteur P.Lush, le cadre supérieur Docteur C.Gibbs et le cadre Subalterne Lamb. Ce sont donc 5 comédiens (4 hommes et une femme) que nous découvrons sur scène.
Un mot que les comédiens
- Ugo Bard (Professeur A.Roote) : Après un cursus au conservatoire de Nîmes, Montpellier, une formation au Cours Florent et un master d'histoire, il choisit de se consacrer au théâtre où il a eu l'occasion de jouer différents rôles. Il s'est également formé au chant, à l'improvisation et aux masques.
- Emilie Rodriguez (Docteur D.Cutts) : Cadre à l’Institut national de la statistique et des études économiques, elle intègre la troupe Saynète et sans bavure où elle s'occupe de la gestion et de la communication mais aura aussi le plaisir de jouer différents rôles (Dormez, je le veux, Le père Noël est une ordure...). Elle adapte et joue La misère du monde en 2018 et joue dans un seul en scène dans Retrouvailles. Elle se forme ensuite au Cours Florent.
- Rodolphe Milton (Docteur C.Gibbs) : Après des études en mathématiques et en science de l'ingénieur, il intègre le Cours Florent en 2015. Il joue plusieurs rôles dont le personnage principal dans La vie de Galilée de Bertolt Brecht (un auteur que j'ai eu l'occasion de vous présenter avec la pièce Dans la jungle des villes).
- Rémi Poureyron (Lamb) : Ce jeune comédien (né en 1997) poursuit actuellement sa dernière année au Cours Florent où il suit des cours de théâtre, d'improvisation, de chant et de danse et il maîtrise aussi plusieurs instruments de musique. Il a eu l'opportunité de jouer dans trois pièces de théâtre ainsi que dans trois court métrages : un joli début de parcours pour un tout jeune artiste.
Ugo Bard et Emilie Rodriguez (crédit photo Nathan Laferrere) |
- Léo Joudi (Docteur P.Lush) : Il intègre le Cours Florent après son BAC ES en poche. Il a eu l'occasion de jouer dans différentes pièces et de réaliser un court métrage Je suis un risque (présenté au Nikon film Festival en 2017) et joue également le rôle de Vincent dans le court-métrage Invidia.
- Rodolphe Milton (Docteur C.Gibbs) : Après des études en mathématiques et en science de l'ingénieur, il intègre le Cours Florent en 2015. Il joue plusieurs rôles dont le personnage principal dans La vie de Galilée de Bertolt Brecht (un auteur que j'ai eu l'occasion de vous présenter avec la pièce Dans la jungle des villes).
- Rémi Poureyron (Lamb) : Ce jeune comédien (né en 1997) poursuit actuellement sa dernière année au Cours Florent où il suit des cours de théâtre, d'improvisation, de chant et de danse et il maîtrise aussi plusieurs instruments de musique. Il a eu l'opportunité de jouer dans trois pièces de théâtre ainsi que dans trois court métrages : un joli début de parcours pour un tout jeune artiste.
De gauche à droite : Léo Joudi, Rodolphe Milton et Rémi Poureyron (crédit photo Nathan Laferrere) |
En conclusion : Bravo à la troupe La Tanière pour leur superbe interprétation de ce thriller de Harold Pinter Hot House. Entre pulsion, manipulation, pouvoir, folie et comédie absurde, cette pièce nous offre une soirée mémorable ! Cela sera encore une belle façon de faire découvrir la littérature anglaise contemporaine à des adolescents, d'autant que le sujet pourra faire l'objet d'une réflexion familiale des plus intéressantes. À découvrir absolument lors du Festival d’Avignon au théâtre l'Etincelle du 5 au 28 juillet 2019.
Avez-vous déjà lu un livre de Harold Pinter ?
Pensez-vous que l'autorité prime au détriment de l'humain ?
Théo Théâtre 20 rue Théodore Deck 75015 Paris
Programmé du 5 au 28 juillet 2019 à Avignon au théâtre l'Etincelle
14 rue des Etudes 84000 Avignon
14 rue des Etudes 84000 Avignon
Auteur : Harold Pinter
Comédiens : Ugo Bard, Rodolphe Milton-Vivant, Emilie Rodringuez, Léo Joudi, Rémi Poureyron
Comédiens : Ugo Bard, Rodolphe Milton-Vivant, Emilie Rodringuez, Léo Joudi, Rémi Poureyron
Metteur en scène : Théo Genin
Durée : 1h15