Notre pays a subi de nombreuses guerres, mais celle de 14-18 nommée la Grande guerre continue à marquer les esprits tant elle fut dévastatrice en pertes humaines et financières. La pièce de théâtre Sachons vaincre...ou Sachons périr nous emmène à la rencontre de deux hommes, deux soldats réunis au cœur du combat. Loin de leur famille, ils doivent survivre, parvenir à surmonter l'insurmontable.... À travers les témoignages de poilus, les mots se mêlent à la danse, au chant et à la musique : ils expriment l'émotion de l'instant, celle de corps en mouvement où la mélodie sublime les paroles... Retour sur un moment unique riche en émotion.
Sachons vaincre...ou Sachons périr est mise en scène par la troupe Les filles de Gaïa, une compagnie de théâtre et de danse dirigée par Patricia Piaza-Georget. La compagnie avait produit précédemment Le journal d'une femme de chambre qui permit à Patricia Piaza-Georget d'obtenir le prix des P'tis Molières de la Meilleur comédienne dans un premier rôle. J'avais eu l'occasion de voir une autre adaptation de cette oeuvre d'Octave Mirbeau en 2016 avec Karine Ventalon.
Sachons vaincre...ou Sachons périr
⇒ Théâtre Comédie Nation ⇐
Sachons
vaincre...ou Sachons périr est
une pièce de théâtre contemporaine programmée jusqu'au 14 mars à la Comédie Nation,
situé dans le 11eme arrondissement de Paris. Ce petit théâtre offre une programmation très diversifiée en proposant des pièces classiques, contemporaines ainsi qu'un répertoire musical
(cabaret, jazz, comédie musicale, chansons...) et des pièces pour jeune public.
Sachons vaincre... ou sachons perir
Témoignages sur la première guerre mondiale
Sachons vaincre...ou Sachons périr est mise en scène par la troupe Les filles de Gaïa, une compagnie de théâtre et de danse dirigée par Patricia Piaza-Georget. La compagnie avait produit précédemment Le journal d'une femme de chambre qui permit à Patricia Piaza-Georget d'obtenir le prix des P'tis Molières de la Meilleur comédienne dans un premier rôle. J'avais eu l'occasion de voir une autre adaptation de cette oeuvre d'Octave Mirbeau en 2016 avec Karine Ventalon.
Patricia Piazza Georget (crédit photo David Krüger) |
Pour parler de la grande guerre,
Patricia Piazza Georget a choisi deux œuvres recueillant des
témoignages sur la première guerre mondiale.
Commençons par le recueil de récits de guerre "Ceux de 14" de Maurice Genevoix. Ce poilu qui restera traumatisé par les horreurs de la guerre, écrivit plusieurs ouvrages, qui couvrent sa mobilisation de 1914 jusqu'à 1915 où il fut grièvement blessé lors de la Grande Guerre aux Eparges : Sous Verdum (1916), Nuits de guerre (1917), La boue (1921) et Les Eparges (1923). Les premiers subiront la censure, afin ne pas "perturber" le moral des soldats et concrètement ne pas entraver la propagande française lors de la première guerre mondiale (diabolisation et dévalorisation de l'ennemi, notion de devoir en participant à l'effort de guerre...). La censure ficelait également la presse et les lettres des poilus étaient aussi contrôlés. Cette propagande fut telle que durant plusieurs générations une animosité anti-germanique était papable en France.
Commençons par le recueil de récits de guerre "Ceux de 14" de Maurice Genevoix. Ce poilu qui restera traumatisé par les horreurs de la guerre, écrivit plusieurs ouvrages, qui couvrent sa mobilisation de 1914 jusqu'à 1915 où il fut grièvement blessé lors de la Grande Guerre aux Eparges : Sous Verdum (1916), Nuits de guerre (1917), La boue (1921) et Les Eparges (1923). Les premiers subiront la censure, afin ne pas "perturber" le moral des soldats et concrètement ne pas entraver la propagande française lors de la première guerre mondiale (diabolisation et dévalorisation de l'ennemi, notion de devoir en participant à l'effort de guerre...). La censure ficelait également la presse et les lettres des poilus étaient aussi contrôlés. Cette propagande fut telle que durant plusieurs générations une animosité anti-germanique était papable en France.
Maurice Genevoix, premier mois de guerre (crédit photo famille Genevoix) |
Les œuvres de Maurice Genevoix ne sont pas faciles à lire car elles nous confrontent à la dure réalité de la guerre. Il s'agit d'une réalité qu'il ne faut pas occulter car ces témoignages sont assurément plus instructifs que n'importe quels manuels d'histoire.
Disparu en 1980, l'écrivain Maurice Genevoix - entré à l'académie française en 1947 - est actuellement enterré au cimetière de Passy, mais il devrait être panthéonisé en 2020.
Disparu en 1980, l'écrivain Maurice Genevoix - entré à l'académie française en 1947 - est actuellement enterré au cimetière de Passy, mais il devrait être panthéonisé en 2020.
Patricia Piazza Georget a également adapté des témoignages recueillis dans l'ouvrage Paroles de poilus de Jean-Pierre Guéno (édité en 2013). À l'époque, Radio France avait lancé un appel visant à collecter des lettres de poilus. Il faut croire que la première guerre mondiale est encore bien présente dans le cœur des français puissent que huit mille personnes s'étaient manifestées. C'est ainsi que Paroles de poilus ressemble le témoignage d'une centaine de lettres très émouvantes relatant cette période. Ces courriers, lettres, ou carnets précieusement conservés sont aujourd'hui la mémoire du passée. Ces récits personnels permettent de mieux comprendre ce que ces soldats français ont subi lors des nombreuses batailles de la guerre mondiale 14-18 : tels des tranches de vie, ces mini-biographies précieuses viennent enrichir les documents historiques, afin que les futures générations n'oublient jamais.
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger) |
Deux hommes au cœur du combat
Sachons vaincre... ou Sachons périr nous conte l'histoire de deux hommes en 14-18 immergés au cœur de ce combat meurtrier. De leur mobilisation en 1914 et leur vie dans les tranchées, ils essaient de surmonter les horreurs de la guerre. Penser à la famille, s'échapper un instant, revivre un bref moment de normalité au travers une correspondance : des moments salvateurs symbolisés en musique, chant et en danse qui offrent ainsi une parenthèse bienvenue.
Si j'ai déjà vu des pièces sur le thème de la guerre : Bérénice 34-44 (et la position de la comédie française vis à vis des juifs) ou encore Je ne suis pas une arme de guerre (et la violence faite aux femmes), je n'avais pas vu de pièces théâtrales relatant des témoignages de poilus sur la guerre de 1914-1918.
Après voir récupéré nos places, nous nous installons au premier rang au plus près de la scène. Celle-ci est sobrement décorée : un tabouret sur le côté gauche et une grand malle ainsi qu'une petite boîte en bois sur le côté droit.
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger) |
Avis sur Sachons vaincre...ou Sachons périr
Marianne entre en scène, la mère de la patrie motive ses enfants afin qu'ils accomplissent leur devoir de citoyen. Les jeunes recrues, fières de servir leur pays, enlacent tendrement leur bien-aimée avant le départ, certains de revenir très prochainement.... C'est ainsi que nous faisons la connaissance de Lucien et Victor durant les premières heures de la guerre, où ils logent dans un tunnel qui deviendra leur lieu de vie. Rapidement, la terrible réalité de la guerre s’avère bien différente de l'image que lui donne la propagande...
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger) |
Une adaptation sur la première guerre très réussite
Que d'émotions durant ces 1h20 de spectacle ! La performance scénique des comédiens et la mise en scène est d'une telle beauté artistique que cette pièce Sachons vaincre...ou sachons périr rend un très bel hommage à nos poilus.
L'adaptation a su mettre en valeur les témoignages de ces poilus. Les mots des soldats prennent alors vie, nous rendant témoins de leur condition de vie sans qu'on ne puisse intervenir. Le temps passe, les saisons se succèdent : l’enfer de l'hiver, l'été où tout devrait renaître mais où seul la mort rôde, Verdun, les charniers...
Au fur et à mesure que le temps passe, le traumatisme subit par les soldats devient si violent qu'ils craignent de perdre leur âme : comment parvenir à survivre dans un monde où les vivants se terrent sous terre et les morts pourrissent sur terre ? Comment supporter ces visions cauchemardesques, le manque de l'être aimé ?
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger)
La dure réalité de la Grande guerre |
Les hommes se brisent, l'esprit se morcelle, l’espoir se perd, les soldats ne croient plus à l’idéologie, aux mensonges, n'en peuvent plus de cette censure... La réalité qu'ils subissent est tout autre : comment espérer revivre normalement après avoir vu l'inimaginable ?
Les témoignages sont forts et aussi plein d'humanité, notamment lorsque Victor envoie une lettre à son fils pour lui expliquer qu'un soldat allemand est aussi un papa, qu'il comprendra quand il sera plus grand. Dans un monde où l'allemand était diabolisé par la propagande, la lucidité de Victor lui permet malgré ce qu'il peut vivre, d'avoir une juste analyse de la situation. On comprend aussi l'importance de la correspondance qui offre le seul moyen d'évasion et qui permet aux soldats de conserver le moral.
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger)
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Un mélange des arts efficace
La beauté de cette pièce réside dans sa mise en scène qui permet de donner vie à ces témoignages grâce à des effets sonores, des jeux de lumière, du chant ou encore la danse. Le mélange de ces arts offre à cette pièce une dimension particulière. Je n'aurais pas imaginé être autant émue devant de la danse contemporaine, mais la beauté de la chorégraphie dont la gestuelle exprime avec brio les mots et le ressenti des soldats procure une grande émotion.
C'est ainsi que les pensées, les rêveries, les brefs moments de rencontres lors des permissions, leur désarrois, leurs traumatismes, la dureté de la guerre sont symbolisés par une judicieuse chorégraphie contemporaine.
Les choix musicaux m'ont à maintes reprises fait frissonner tant ces dernières apportent une dimension d'une grande justesse et les effets sonores très réalistes nous immergent encore un peu plus dans leur univers. Je me suis même surprise à sursauter !
Sachons vaincre...ou sachons périr (crédit photo David Krüger)
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Une performance scénique de toute beauté
Durant cette pièce nous faisons la connaissance de Lucien et Victor, deux jeunes soldats mobilisé en 1914 ainsi de Louise l'amoureuse de Lucien et d'Ania l'épouse de Victor. Un autre personnage Marianne symbolise la patrie. Les interprètes - deux danseurs, une chanteuse et deux comédiens - ont plusieurs talents a leur actifs, ce qui permet d'offrir à cette pièce une grande richesse artistique.
Emma Brest - qui interprète Ania - la fiancée de Victor - est également danseuse et chorégraphe. Une grande expérience qui lui permit de travailler dans plusieurs compagnies de ballet et d'imaginer plusieurs chorégraphies pour la compagnie de la Troupe des filles de Gaia.
Mône Marquette - qui interprète Louise, la fiancée de Lucien - est aussi danseuse et chorégraphe. Elle aime particulièrement la danse contemporaine et c'est d'ailleurs Mône qui a créé une partie des chorégraphies de Sachons vaincre... ou sachons périr.
Vincent Calazans - qui interprète Lucien - s'est formé au métier d'acteur et à la danse classique et contemporaine. Il a pu exercer ses talents dans la pièce du Misanthrope et dans des fictions sur France 2 et M6.
Magali Goblet - qui interprète Marianne - est une artiste pluridisciplinaire. À la fois comédienne et chanteuse, elle a cosigné trois spectacles et a participé à l'émission The Voice en 2016. En 2016, elle a joué dans Welcome To Woodstock (un superbe spectacle hippie que j'ai adoré !). Elle fait également des doublages (série, films et dessins animées ) et travaille actuellement sur son album et l'écriture de scénarios.
Avez-vous lu des témoignages sur la Grande Guerre ?
Que pensez-vous de cette pièce ?
Informations :
Théâtre Comédie Nation 77 rue Montreuil Paris 75011
Jusqu'au 14 mars 2019
Prix: 12 à 16 €
Auteur : Jean-Pierre Guéno " Paroles de poilus: lettres et carnets du front 1914-18 et Maurice Genevoix "Ceux de 14"
Comédiens : Emma Brest, Vincent Calazans, Magali Goblet (en alternance avec Lauryanne Philippe), Victor Lafrej, Mône Marquette
Ecriture et mise en scène: Patricia Piazza-Georget
Chorégraphies : Emma Brest, Mône Marquette et Patricia Piazza-Georget
Durée : 1h20